Mémorandum sur l’Assassinat du Président Habyarimana
Félicien Kanyamibwa, PhD
En collaboration avec Organization for Peace, Justice and Development in Rwanda (OPJDR) Juillet 1999
Sommaire
Introduction
1. Les signes avant-coureurs
2. Attentat et découverte du matériel ayant servi pour l’attentat
3. Différentes réactions après l’attentat 3.1 A l’intérieur du pays 3.2 Du côté du FPR 3.3. Du côté de la MINUAR 3.4 Le Président Museveni et son armée 3.5 Le Gouvernement Tanzanien 3.6 Le Gouvernement Burundais 3.7 Au niveau de la propagande
4. Mise au point sur l’arme du crime
5. Les pistes privilégiées
6. La piste la plus probable 6.1 A qui profite le crime? 6.2 Le crime profite au FPR 6.3 Le FPR avait 1’intention et les moyens de commettre le crime 6.4 Les indices du crime du FPR
Refus presque unanime de mener l’enquête 7.1 Le gouvernement intérimaire (9 avril 1994 143uillet 1994) 7.2 Le gouvernement du FPR (19 juillet 1994 – jusqu’ à ce jour) 7.3 L’Organisation des Nations-Unies 7.4 L’Organisation de L’Unité Africaine (OUA) 7.5 Le gouvernement belge 7.7 Le gouvernement américain 7.8 L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI)
8. Nécessité de l’enquête 8.1 L’assassinat considéré comme l’étincelle qui a embrasé le pays 8.2 Le souci de justice et d’équité
9. Conclusion
Annexe I: SOURCES DE RÉFÉRENCE Annexe II: LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES
Notes
Introduction
Le Rwanda à été en proie à une guerre injuste lui imposée de l’extérieur depuis le 01 octobre 1990. Cette guerre déclenchée à partir de l’Ouganda par le FPR (Front Patriotique Rwandais) fortement appuyé par le Président Museveni et son armée a plongé le pays dans une spirale de violence qui perdure jusqu’aujourd’hui.
Le gouvernement rwandais a du faire face à cette agression tout en multipliant des initiatives pour un règlement pacifique du conflit. En date du 04 août 1993, le gouvernement rwandais et le FPR signent, en effet, un Accord de Paix à Arusha, mais sa mise en application connaît un sérieux blocage surtout à partir de janvier 1994. Après la signature de cet Accord de paix, le cessez-le-feu est plus ou moins respecté mais les assassinats à caractère politique s’intensifient dans la capitale Kigali et dans la “Zone Tampon” (zone démilitarisée entre les position des Forces Armées Rwandaises, FAR et de l’Armée Patriotique Rwandaise, APR). De fortes présomptions permettent d’accuser le FPR (Front Patriotique Rwandais) d’être le commanditaire de ces assassinats.
Les événements survenus au Burundi voisin, avec l’assassinat du premier Président Hutu démocratiquement élu M. Melchior Ndadaye, en octobre 1993, par l’Armée mono-etnique tutsi, sont vivement ressentis au Rwanda comme une tentative de la minorité Tutsi de faire échec à la démocratie. Le FPR est pointé du doigt pour avoir été impliqué dans ce coup d’Etat contre la démocratie au côté de ses congénères. Cette situation aura comme conséquence l’amplification des dissensions au sein des partis politiques d’opposition et surtout au sein du MDR (Mouvement Democratique Republicain) et du PL (Parti Libéral).
Le ministre Félicien Gatabazi, Secrétaire Exécutif du PSD (Parti Social Démocrate), est froidement assassiné à Kigali, à l’entrée de sa résidence, le 21 février 1994, tandis que M. Martin Bucyana, Président du Parti CDR (Coalition pour la Défense de la République), meurt lui aussi dans un attentat, le lendemain, le 22 février 1994 à Butare. L’assassinat de ces deux importantes personnalités politiques ouvertement engagées pour la victoire de la démocratie et des idéaux républicains et, de ce fait, opposées au FPR, amplifieront le blocage politique, la méfiance et surtout la tension à l’intérieur du pays. Il convient de rappeler que M. Emmanuel Gapyisi, Membre du Bureau Politique du MDR et Président du MDR à Gikongoro et Membre actif du Forum Paix et Démocratie et M. Fidèle Rwambuka, Membre du Comité National du MRND (Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement), ont été aussi assassinés en 1993. Des preuves existent qui montrent que le FPR est responsable de ces assassinats. Il sied de noter que toutes ces personnalités assassinées comme la population massacrée dans la zone tampon sont des Hutu.
La MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda), déployée au Rwanda depuis le 1er novembre 1993 pour maintenir la paix et permettre la mise en place des institutions de transition a fait des enquêtes sur ces malheureux événements mais les résultats de ces enquêtes ne sont pas encore connus du public I.
C’est dans ce climat de tension extrême que l’avion du Président Habyarirnana sera abattu le 06 avril 1994 à 20 h 20 par missiles aux environs de l’Aéroport de Kanombe, de retour de Dar-es Salaam où un sommet des Chefs d’Etat de la région s’était tenu le même jour.
Bien que tout le monde en convient pour reconnaître que c’est l’assassinat qui a constitué l’étincelle du chaos et des massacres perpétrés au Rwanda en avril 1994, aucune enquête n’a été jusqu’à ce jour entreprise pour démasquer les auteurs de cet ignoble attentat.
Le Rapporteur Spécial de l’ONU, Degni Segui, dépêché au Rwanda au mois de juin 1994 pour enquêter sur les massacres a, dans ses conclusions, reconnu que l’assassinat du Président Habyarimana est à l’origine du drame. Que les assassins sont eux-mêmes les commanditaires de ces massacres. Il a recommandé une enquête et promis de faire lui-même des investigations pour découvrir les auteurs de ce lâche assassinat. La Commission des Experts de l’ONU, créée en vertu de la Résolution 935/1994, est arrivée à la même conclusion que Degni Segui et a recommandé elle aussi une enquête sur l’assassinat du Président Habyarimana. D’autres experts de la région ont tiré eux aussi les mêmes conclusions et certains vont même jusqu’à dire que sans cette enquête, la vérité sur le drame rwandais ne sera jamais connue.
Dans sa lettre ouverte au Sénateur Destexhe en novembre 1996, Monsieur Main De Brouwer s’insurge contre la communauté internationale dans ces termes: “l’absence d’enquête internationale sur cet attentat est scandaleuse”II.. Le Révérend Père Guy Theunis n’a pas caché ses sentiments de révolte lors de sa déposition devant la Commission Belge: “J’irai jusqu’au pour connaître la vérité. Je ne comprends pas pourquoi ni les Belges ni les Français ni l’ONU n’ont pas demandé une enquête officielle sur l’attentat. Il y a connivence entre ces différents pays et même avec le gouvernement actuel du Rwanda”. Dans le même ordre d’idée, l’ancien Premier Ministre Rwandais Dismas Nsengiyaremye a déclaré devant cette même Commission: “On n ‘aura pas d ‘explication sur l’ampleur des massacres tant que ce point ne sera pas élucidé”. Beaucoup d’autres personnalités indépendantes et de nombreux experts de la région se sont exprimé dans le même sens.
La Commission Parlementaire Belge et la Mission d’Information Parlementaire Française n’ont pas voulu pousser plus loin leurs investigations et leurs analyses à ce sujet comme d’ailleurs sur bien d’autres points pourtant très importants. Le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) s’est, quant à lui, monté et cela contre toute logique, désintéressé par cette enquête alors que cet assassinat est couvert par la période concernée par son rnandat.
D’aucuns se demandent à juste titre pourquoi, malgré les recommandations de toute part, cette enquête n’est pas menée. Pourtant, les éléments tangibles pouvant servir de base pour cette enquête existent. L’analyse rigoureuse de ces éléments disponibles jusqu’aujourd’hui sur cet ignoble assassinat permet de dégager déjà les pistes les plus privilégiées et même la piste la plus probable.
1. Les signes avant-coureurs
Peu après la signature de l’Accord de Paix d’Arusha, les idéologues et stratèges du FPR ont, dans un document intitulé: “Environnement actuel et à venir de l’organisation”, en vue d’accaparer le pouvoir, préconisé le scénario d’écarter le Président Habyarimana par la force dans un délai ne dépassant pas neuf mois à partir de la date de la signature de l’Accord d’Arusha.
Le FPR avait déjà exigé et obtenu, l’installation du Bataillon du FPR dans la ville de Kigali (Accord de Kinihira du 20 juillet 1993). Ce bataillon de 600 hommes était soi-disant destiné à assurer la sécurité des officiels du FPR. Mais en réalité c’était plutôt un cheval de Troie. M Jacques Bihozagara, Ministre du Gouvernement FPR, le confirmera plus tard dans sa déclaration du 03 juillet 1997 faite lors d’une table ronde organisée à la veille de l’anniversaire de la prise de Kigali, radiodiffusée sur les ondes de Radio-Rwanda. Il a déclaré que ce bataillon était destiné à libérer la capitale. Par ailleurs M Ntaribi Kamanzi, journaliste du FPR, a révélé dans son livre intitulé “RWANDA. Du Génocide à la Défaite”, comment deux bataillons (1200 hommes choisis parmi toutes les unités APR) ont été préparés aux opérations urbaines avant d’être envoyés à Kigali III.
Le bataillon FPR fut installé depuis le 28 décembre 1993 dans l’immeuble du CND (Conseil National pour le Développement- Assemblée Nationale), sur un site stratégique en plein coeur de la ville de Kigali. Pour pouvoir effectuer des va et vient à Mulindi (quartier général du FPR dans la zone conquise à la frontière avec l’Ouganda), le FPR exige de se ravitailler là-bas même en bois de chauffage.
C’est au cours de ces missions qu’il a pu introduire au CND du matériel de guerre supplémentaire et même des effectifs supplémentaires très importants. Au moins ces deux bataillons préparés étaient au CND en Avril 1994 en plus d’autres combattants infiltrés dans la capitale et à travers tout le pays (les Brigades du FPR infiltrées). Le Colonel Luc Marchal de la MINUAR l’évoque dans sa déclaration devant la Commission Parlementaire Belge. En effet, il a dénoncé le refus du FPR de se prêter au contrôle lors de ces mouvements et a tenu à souligner que le FPR en aurait profité pour introduire les missiles au CND ainsi que d’autres matériels de guerre et des combattants supplémentaires IV.
Le FPR, ayant refusé également de se faire contrôler au point d’entrée de la zone gouvernemental, a été curieusement soutenu dans ce refus par le contingent belge de la MINUAR chargé d’assurer l’escorte des convois. Des plaintes à ce sujet ont été soumises au Général Dallaire, Commandant de la MINUAR, mais sans résultat. C’est par ces convois que les missiles SAM 7, qui serviront à abattre l’avion présidentiel, auraient été introduits au CND en février 1994. Le Général Dallaire aurait été renseigné sur l’existence de ces missiles au CND mais sans aucune réaction de sa part.
Au mois de janvier 1994, le FPR exige, sous prétexte de la sécurité pour ses éléments cantonnés au CND, que l’approche et le décollage sur l’aéroport international de Kanombe côté centre-ville de Kigali soient interdits. Il prétexte que les avions qui atterrissent à partir du centre-ville ou décollent en direction du centre-ville survolent ses installations et que cela compromet sa sécurité.
Pour faire chantage et pression sur le gouvernement, le bataillon du FPR au CND tire avec une mitrailleuse sur un avion C130 belge en final pour atterrir sur l’aéroport de Kanombe à partir du centre-ville de Kigali mais sans le toucher.
Cela se passe dans la deuxième quinzaine du mois de janvier 1994. Directement après cet incident, la MINUAR intervient et fait pression sur le gouvernement rwandais pour qu’il accepte l’exigence du FPR. Au lieu de condamner ce dernier pour ses agissements contraires aux accords d’ Arusha, la MINUAR se montre plutôt complaisante à l’égard du FPR. Finalement le gouvernement cède aux chantages et aux pressions sans mesurer les conséquences de cette décision
Cette manoeuvre du FPR était destinée à augmenter ses chances de succès lors de l’attentat avec missiles contre l’avion du Président. En effet, il fallait cette fois-ci attendre l’avion d’un seul côté, le côté de Masaka, un terrain couvert et très peu contrôlé. V
Au mois de mars 1994, les stratèges du FPR se rencontrent à Bobo-Dioulasso au Burkina Fasso Cette rencontre est arrangée par Manzi Bakuramutsa alors fonctionnaire du PNUD sur le compte du gouvernement zaïrois (Manzi Bakuramutsa est à ce moment là un sujet zaïrois). Au cours de cette rencontre de haut niveau, les dernières dispositions sont prises pour l’élimination physique du Président Habyarimana. Manzi Bakuramutsa a été nommé directement. après la prise du pouvoir par le FPR à Kigali, ambassadeur du Rwanda à l’ONU, puis en Belgique et actuellement ambassadeur en Israël.
Le 25 mars 1994, le FPR refuse catégoriquement de se présenter aux cérémonies de mise en place des institutions de Transition restantes alors que tous les autres partis concernés sont présents au rendez-vous. Malgré les recommandations faites à la mi-mars par les diplomates occidentaux, le représentant du Secrétaire Général de l’ONU au Rwanda et les représentants des Eglises sur le bien-fondé de l’entrée du parti CDR dans l’Assemblée Nationale de Transition, le FPR s’entête à refuser que ce parti obtienne son siège au Parlement l’accusant à tort de ne pas respecter les Accords d’Arusha. Cela n’était qu’un prétexte pour prolonger le blocage et la tension et pour justifier plus tard la reprise des hostilités. Par ailleurs, le FPR, au lieu de se réjouir du compromis sur les candidats aux institutions de transition conclu an sein des partis PL et MDR à la fin du mois de février 1994 pour pouvoir sortir du blocage, il s’est déclaré opposé à ce compromis prétextant que les candidats légitimes sont pour lui ceux ayant été désignés dans les 37 jours après la signature des Accords d’Arusha. Effectivement, il s’agissait d’un prétexte car une telle disposition n’était pas prévue dans les Accords et rien ne pouvait démontrer que le FPR s’était conformé à cette disposition imaginaire mais aussi rien ne pouvait justifier cette ingérence dans les affaires internes des partis. Monsieur Ntaribi Kamanzi évoque cette situation dans son livre cité ci-haut. Ce dernier révèle que lorsque les Diplomates occidentaux accrédités à Kigali se sont rendus au QG du FPR à Mulindi au début du mois de mars 1994 pour tenter de ramener le FPR à la raison, un diplomate américain lui a fait part sur place de ses sentiments de déception à l’égard du FPR VI.
En date du 04 avril 1994, le Général Dallaire a posé une question pas moins suspecte au Colonel Bagosora Théoneste, lors d’une réception organisée à l’Hôtel Méridien à Kigali. La question lui est posée dans ces termes: “Qui est le dauphin du Président Habyarimana ?”. Son interlocuteur lui répondra qu’il ne le connaît pas. Le 03 avril 1994, le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, Roger Booh-Booh, informait le Président Habyarimana à Gisenyi que, de sources diplomatiques, le FPR envisageait son assassinat. La MINUAR était donc bien au courant de la menace d’assassinat du Président Habyarimana par le FPR et n’a pris aucune mesure préventive.
Le 06 avril 1994, le Président se rend à Dar-es-Salaam pour un sommet des Chefs d’Etats de la région sur le Burundi. Ce sommet chargé de signes précurseurs est qualifié à juste titre de guet-apens. Tout d’ abord des suspicions sont soulevées au sujet de son objet, de l’initiative de son organisation et au sujet des participants. Le Sommet qui était initialement prévu pour le Burundi va traiter des problèmes rwandais et le communiqué conjoint sanctionnant le sommet reste jusqu’à ce jour inconnu du grand public. Ce sommet devait avoir lieu le 05 avril 1994 à Arusha, et a été reporté au 06 avril 1994 à Dar-es-Salaam pour des raisons restées aussi inconnues. Autant de questions dont la réponse permettra de savoir la vérité sur ce Sommet.
Ce qui est certain est que le Sommet s’est terminé plus tard que prévu à cause principalement du Président Museveni. Tout d’abord ce dernier a accusé un grand retard pour arriver à Dar-es- Salaam. Ensuite la réunion commencée tardivement ne s’est pas déroulée normalement. Le Président Museveni a retardé intentionnellement les discussions par ses multiples digressions volontaires et intempestives. Les Présidents Habyarimana et Ntaryamira signeront le communiqué conjoint à l’aéroport juste avant d’embarquer pour Kigali. Ils étaient pressés de rentrer car il était déjà très tard.
Leur homologue, le Président Mwinyi, leur avait répondu qu’aucune disposition n’avait été prise pour les loger quand ils lui ont exprimé l’intention de passer la nuit. Ils n’avaient donc plus de choix. L’avion décollera de Dar-es-Salaam vers 18 h 30 heure de Kigali avec à bord :
– Coté Rwandais.
1. Le Président Habyarimana Juvénal, 2. Le Général major Nsabimana Déogratias, chef d’Etat-major Armée Rwandaise, 3. L’Ambassadeur Renzaho Juvénal, conseiller à la Présidence, 4. Le Colonel Sagatwa Elie, Secrétaire particulier du Président, 5. Le Docteur Akingeneye Emmanuel, médecin du Président, 6. Le Major Bagaragaza Thaddée, officier d’ordonnance.
– Coté Burundais:
7. Le Président Ntaryamira Cyprien, 8. Le Ministre Ciza Bernard, 9. Le Ministre Simbizi Cyriaque.
– Côté Français (l’équipage):
10. Le Major Jacky Héraud, 11. Le Colonel Jean-Pierre Minaberry, 12. L’Adjudant-chef Jean Marie Perrine.
Il est important de signaler que ce jour là du 06 avril 1994, une équipe du contingent belge conduite par le Lieutenant Lotin s’est rendue très tôt matin à l’Est du pays dans le Parc National, en mission d’escorte des officiels du FPR. Cette information à été révélée par Alexandre Goffin dans son livre “Rwanda 7 Avri1 1994: 10 commandos vont mourir'”VII et ensuite confirmée par le Colonel Luc Marchal et le Lieutenant Colonel Dewez commandant du KIBAT devant la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda VIII. C’est par ailleurs cette même équipe qui rentrée de cette mission dans la soirée, recevra la mission d’ aller escorter le Premier Ministre Agathe Uwilirigiyimana à la Radio-Rwanda pour adresser un message à la nation. C’est cette équipe, comme par ironie du sort, qui sera décimée au camp militaire de Kigali par les militaires mutins le 07 avril 1994.
Nous avons relevé brièvement ces quelques événements importants qui se sont déroulés avant l’attentat pour montrer que celui-ci a été préparé minutieusement et de longue date et que la MINUAR n’a pas été en mesure de le prévenir. Certains événements n’ont attiré l’ attention qu’à posteriori, mais ce relevé nous permet de constater leur enchaînement logique et leur objectif de provoquer le chaos afin de pêcher dans l’eau trouble.
2. Attentat et découverte du matériel ayant servi pour l’ attentat
L’avion du Président a été abattu le 06 avril 1994 à 20h20, par missiles tirés à partir d’une ferme située à Masaka en commune Kanombe, à proximité de la route Kigali-Kibungo. Deux missiles ont été tirés mais seul le deuxième missile a touché l’avion. Comme par miracle, l’avion s’est écrasé dans l’enceinte de la résidence privée du Président Habyarimana à Kanombe. Tous les passagers et les membres d’équipage sont morts sur le champ.
Après le coup, les assassins se sont volatilisés laissant sur place deux containers-lanceurs de missile qu’ils ont pris le soin de cacher soigneusement dans un talus. Ces containers lanceurs de missiles seront découverts par hasard le 25 avril 1994 par la population déplacée de guerre en provenance des communes Bicumbi et Gikoro qui cherchait à s’y installer. La population les a remis aux FAR le même jour. Les FAR ne pouvaient pas douter, une minute, que ce matériel ainsi découvert sur le lieu du crime, était celui qui avait servi pour commettre l’attentat. Pour les FAR, il s’agissait de missiles de type soviétique même si elles n’étaient pas familières à ce genre de matériel. Ces containers lanceurs de missiles étaient de couleur kaki “vert armée” et portaient les inscriptions suivantes:
Premier container-lanceur
9 il 322-1-01
9M313-l 04-87 04835 C LOD COMP
911519-2 3555406
Second container-lanceur
9 il 322-1-01
9M313-1 04-87 04814 C LOD COMP
911519-2 5945107
Ces inscriptions ont été relevées par un officier des FAR, le Lieutenant Ingénieur Munyaneza. Le Professeur Reyntjens reprend ces indications dans son livre déjà cité plus haut mais sous le nom de lanceur.
L’attentat a été réalisé par une équipe de spécialistes avec un armement sophistiqué. La cible a été téléguidé et amené dans un guet-apens à l’heure où les tueurs l’attendaient paisiblement. Cette équipe a profité de la nuit et du terrain couvert et peu contrôlé pour s’installer dans cette ferme et pour se volatiliser après l’attentat mais en laissant les traces: deux containers-lanceurs de missile. Sans ces “engins”, il aurait été difficile de convaincre l’opinion déjà hostile dès l’annonce de la mort du Président, que ce dernier avait été victime d’un attentat par missile.
3. Différentes réactions après l’attentat
3.1 A l’intérieur du pays
Le 06 avril 1994, vers 21 h 15, Radio RTLM annonce la nouvelle de l’attentat contre l’avion du Président, sans autre précision, avec promesse de fournir les détails ultérieurement. Jusque là, la mort du Président n’est pas encore confimée. Radio Rwanda annonce la nouvelle le lendemain à 05 h 30 du matin en diffusant en même temps un communiqué du Ministère de la Défense.
L’annonce de cette triste nouvelle provoque généralement la désolation et la panique parmi la population surtout de la capitale mais par contre dans les milieux très proches du FPR, certaines personnes ne parviennent pas à cacher leur sentiment de joie.
Une réunion improvisée regroupant les Officiers des deux Etats-Majors de L’Armée et de la Gendarmerie (EM AR et EM GdN), du Ministère de la Défense (MINADEF) et du camp militaire Kigali disponibles dont le Général Augustin Ndindiliyimana Chef EM GdN et le Colonel retraité Théoneste Bagosora, Chef de cabinet du Ministre de la Défense, se tient à l’EM AR dans la nuit du 06 au 07 avril 1994 vers 22 h00. Le Général Dallaire, commandant de la MINUAR et le Colonel Marchal, commandant du contingent belge de la MINUAR, participent également à cette réunion. La réunion se fixe pour but d’arrêter les mesures urgentes de sécurité pour prévenir d’éventuels débordements, rassurer la population et préserver la paix dans cette période de vide du pouvoir. Après cette réunion, une délégation composée du Colonel Bagosora et du Colonel Rwabalinda en compagnie du Général Dallaire, se rend chez le Représentant du Secrétaire Général de l’ONU,
Monsieur Roger Booh Booh, pour recueillir ses avis et conseils sur la gestion de la crise.
La rencontre proposée par Booh Booh le lendemain chez l’Ambassadeur des USA et qui devait regrouper les Ambassadeurs occidentaux, le Général Ndindiliyimana et le Colonel Bagosora, n’aura pas lieu suite à l’absence de ces Ambassadeurs au lieu de rendez-vous, à l’exception de l’Ambassadeur Américain.
Une réunion regroupant les responsables des Forces Armées rwandaises (Chef EM GdN, Directeur de Cabinet MINADEF, les chefs de Bureau au MINADEF et dans les deux EM, les commandants des secteurs opérationnels, les commandants de camp de l’Armée et de la Gendarmerie Nationale et les commandants des unités de Kigali), se tient à L’Ecole Supérieure Militaire (ESM), le 07 avril 1994, tel que décidé dans la réunion de la nuit à I’EM AR. Le Général Dallaire participe également à cette réunion. Cette réunion mettra en place un comité de crise chargé de faciliter les contacts des responsables politiques en vue de trouver les voies et moyens de combler le vide politique créé par la disparition tragique du Chef de L’Etat et de suivre de près la situation de sécurité dans tout le pays.
Dans ce climat de panique et de désolation, la capitale s’enfonce au lendemain de l’attentat dans le chaos généralisé suite aux règlements de compte de tout genre et aux actions terroristes du FPR. C’est dans ce débordement que Madame le Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana et les dix casques bleus Belges seront assassinés par des militaires mutins. Dans L’après midi du 7 avril 1994, les FAR sont engagées dans les combats suite à l’attaque du FPR sur tous les fronts y compris dans la Capitale Kigali.
Suite aux recommandations du représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU, M. Roger Booh Booh, une réunion regroupant les membres du Comité directeur du MRND s’est tenue au Ministère de la Défense dans la matinée du 07 avril 1994. Cette réunion avait été suggérée pour voir au remplacement du Président. Cependant les participants à la réunion se sont heurtés aux accords d’Arusha qui ne prévoyaient pas le remplacement du Président avant la mise en place des institutions de la transition et aux dispositions des statuts du MRND qui stipulent que seul le Congrès du parti est habilité à désigner le candidat au poste de Président de la République. Il a donc fallu une autre réunion pour sortir de l’impasse. Cette dernière, tenue le 08 Avril 1994, a regroupé les représentants des 5 partis participants au gouvernement de coalition (MRND, MDR, PL, PSD, PDC). C’est cette réunion qui, par un accord additionnel au Protocole du 16 avril 1992, a permis de sortir de l’impasse. En effet, le 08 Avril 1994, M. Théodore Sindikubwabo, Président du CND fut désigné Président de la République en vertu de la Constitution du 10 juin 1991 et M. Kambanda désigné Premier Ministre. Le Gouvernement intérimaire fut mis en place le 9 avril 1994.
3.2 Du côté du FPR
Directement après l’attentat, le Bataillon du FPR installé au CND a Kigali poussé des cris de joie pour la victoire finale. Le QG du FPR à Mulindi est directement mis au courant de la mort du Président. M Ntaribi Kamanzi le confirme, dans son livre déjà cité plus-haut. Il précise que le Bataillon du FPR au CND, a envoyé le message annonçant la mort du Président Habyarimana, au QG du FPR à Mulindi vers 20 h 30, soit immédiatement après l’attentat. Le Général Kagame fera une déclaration de guerre dans la foulée, c’est-à-dire dans la même nuit sur Radio Muhabura, radio du FPR. Le service d’écoute radio des FAR a capté vers minuit le message radio sur le réseau FPR par lequel le Générai Kagame informait les unités de la mort du Président, félicitait grandement tout le personnel ayant participé dans l’exécution de l’attentat et mettait toutes les unités en alerte maximum.
Le FPR prend l’initiative de passer à l’attaque le 07 avril 1994 dans la capitale Kigali et sur tout le front Nord. Mais en réalité, le mouvement des unités FPR au Nord avait été amorcé plus tôt peu avant l’assassinat du Président, alors que les infiltrations dans la capitale à partir du CND, se sont intensifiées dans la nuit du 06 au 07 avril 1994. Les troupes venues du Nord étaient déjà à Rutongo (à environ 15 kim de la ville de Kigali), le 08 avril 1994.
3.3. Du côté de la MINUAR
L’ équipe du Lieutenant Lotin, de retour de sa mission à l’Est du pays, reçoit à partir de l’aéroport de Kanombe, dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, une autre mission d’aller assurer la sécurité de Madame la Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana et de l’escorter à la Radio-Rwanda pour adresser un message à la nation. Il est important de signaler que cette mission n’avait pas été discutée au cours de la réunion de nuit à l’EM AR à laquelle Dallaire avait participé. Ceci est confirmé par le Colonel Luc Marchal.
3.4 Le Président Museveni et son armée
Au lendemain de l’attentat, le 07 avril 1994, le Président Museveni ne parviendra pas, au cours de l’ouverture d’un colloque international tenu à Kampala, à cacher sa satisfaction et sa complicité dans l’attentat. Parlant laconiquement de la mort du Président Habyarimana, il se vante plutôt de la mission accomplie en disant “It was time to solve the matter”IX -il était temps de régler l’affaire!
II n’ est un secret pour personne que l’Armée Ougandaise a participé activement à la grande offensive et fournit les moyens logistiques au FPR. Le Président Museveni l’ a encore une fois reconnu lui-même dans son discours, lors du sommet de Harare au Zimbabwe, le 9 août 1998.X
3.5 Le Gouvernement Tanzanien
Lorsque le Président Habyarimana a quitté Dar-es-Salaam dans la soirée du 6 avril 1994, il a laissé sur place d’autres membres de sa délégation qui devaient rejoindre Kigali le lendemain au moyen de deux avions rwandais stationnés à l’aéroport de Dar-es-Salaam (un avion Nord Atlas militaire et un Twin-Oter de la Société Air Rwanda). Ces deux avions ont été bloqués par la suite à l’aéroport par le gouvernement Tanzanien sans aucune explication et les membres de la délégation rwandaise n’ont pas pu rejoindre Kigali. Ces avions ont été remis au Rwanda après la prise du pouvoir par le FPR tandis que quelques passagers et membres d’équipage se sont débrouillés pour rejoindre leurs familles dans le pays ou en exil après plusieurs semaines de séquestration injustifiée.
Quelle interprétation peut-on donner à cette réaction du gouvernement tanzanien? En plus, est-il normal dans le sens purement africain que le gouvernement tanzanien n’ait pas adressé un message de condoléances au peuple rwandais alors que le Président avait été assassiné de retour de ce pays? Il convient de rappeler que le Président Mwinyi avait refusé de donner l’hospitalité à ses deux homologues qui lui avaient exprimé la crainte de voyager de nuit.
3.6 Le Gouvernement Burundais
L’attitude gardée par les responsables de ce pays au sujet de cet attentat est étrange. Alors que le Président Burundais Ntaryamira Cyprien et ses deux ministres ont péri dans cet attentat, le gouvernement burundais a froidement réagi contre ce drame. Ce mutisme cacherait mal une certaine complicité avec les assassins.
3.7 Au niveau de la propagande
Au niveau de la propagande faite autour de cet attentat, tout d’abord les propagandistes du FPR et ses sponsors ont fait circuler, au lendemain de l’attentat, la version selon laquelle le Président était mort dans un accident fortuit. La déclaration du Général Dallaire, le lendemain de l’attentat, comme quoi le Président avait péri dans un accident, a servi à alimenter la confusion et les spéculations. Pourtant, Dallaire était au courant de la vérité qui était que l’avion avait été abattu par des missiles. Quand les propagandistes se sont rendus compte que ce mensonge ne tenait pas debout, ils ont déclaré que le Président avait été tué par des extrémistes Hutu dont les membres de l’Akazu y compris l’épouse même du Président. Plus tard beaucoup de gens ont remarqué que les prétendus extrémistes hutu n’avaient ni les moyens ni le mobile de commettre cet assassinat, et ils se sont mis à spéculer sur plusieurs hypothèses possibles, certains avec l’intention malveillante de brouiller les pistes et cacher ainsi la vérité.
L’analyse de ces différentiels réactions permet déjà de relever des indices sérieux du crime.
4. Mise au point sur l’arme du crime
Concernant l’arme du crime, une confusion a été créée spécialement au niveau des termes utilisés pour désigner les engins découverts à MASAKA et sur le type de missiles utilisés dans l’attentat. La confusion est grave car elle risque de mener sur une piste sans issue ou constituer un prétexte pour abandonner les recherches. C’est donc important de lever les équivoques.
Au sujet des engins découverts à MASAKA le Lieutenant Ingénieur MUNYANEZA les a identifies, d’après ses observations, comme étant des lances-missiles. il faut signaler que c’est de par ses connaissances de la langue russe (il a fait ses études d’ ingénieur en ex-URSS ), que l’EM AR l’a appelé pour déchiffrer les inscriptions sur les engins dont certaines étaient écrites en russe. Le Lieutenant a relevé toutes les inscriptions et les a consignées dans le rapport établi le 25 avril 1994.XI En dépit de ce rapport, les personnes mal informées ou mal intentionnées ont par la suite semé la confusion au sujet de ces engins.
Dans son livre “Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire”, le Professeur Reyntjens désigne le matériel retrouvé par la population sur le lieu du crime, tantôt par le terme de missile, tantôt par le terme de container, tantôt par le terme de lance-missile ou de lanceur. Devant la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda, le Professeur Reyntjens a répété la même chose et la Commission n’a pas demandé des précisions sur ce matériel retrouvé par la population dans la ferme de MASAKA afin de lever cette confusion. Encore une fois devant la Mission d’Information Parlementaire Française, le Professeur Reyntjens a fait les mêmes déclarations à ce sujet et cette confusion n’a toujours pas été levée.
Par ailleurs, le rapport de Mission d’Information montre une photo du lance-missile et fait croire qu’il s’agit du matériel découvert dans la ferme de MASAKA et prétend qu’il portait les inscriptions relevées par le Lieutenant Ingénieur Munyaneza. Mais les témoins oculaires affirment que cette photo n’est pas celle des engins découverts à MASAKA.
D’autres experts et personnalités indépendantes qui ont travaillé sur le sujet ont probablement été influencés par les écrits et déclarations du Professeur Reyntjens et sont tombés dans la même confusion. La précision s’impose donc pour éviter que les recherches ne soient orientées sur des voies sans issue.
Les deux engins retrouvés par la population dans la ferme de MASAKA ne sont pas des missiles mais il s’agit plutôt de containers qui sont en même temps des lanceurs de missile. En effet, pour ce type d’engins, le missile et son lanceur sont livrés en une seule pièce et une fois le missile tiré, le lanceur qui contenait le missile devient une pièce vide sans aucune autre utilité. Voilà pourquoi les assassins ont abandonnés ces engins sur le lieu du crime mais après les avoir bien cachés. Comme le lanceur contient donc le missile, il est en même temps le container du missile. Evidemment, les engins découverts n’avaient pas de missiles car ils avaient été déjà tirés. Cependant, il est clair que les inscriptions relevées sur ces engins identifient ces missiles utilisés dans l’attentat. Ainsi donc, il convient de désigner plutôt l’arme du crime de missile et les deux engins découverts à MASAKA de containers lanceurs de missiles. Pour éviter toute confusion dans les termes, il faut donc garder à l’esprit toutes ces nuances et précisions qui viennent d’être soulignées.
La confusion créée au sujet du type de missiles utilisés dans l’attentat ne facilite pas non plus les recherches et risque de mener aussi sur une piste sans issue. Dans son livre déjà cité, le Professeur Reyntjens dit ceci à propos de cette arme du crime “Tout ce qu’ on peut établir avec certitude est qu’ il s’ agit de missile de type SAM-16 Gimlet”XII Cependant, il ne démontre pas comment il est arrivé à cette conclusion et ne signale même pas sa source d’information. Devant la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda, il a soutenu cette affirmation sans la moindre démonstration.
Par contre dans sa lettre adressée au rapporteur de la Mission d’Information Parlementaire Française, il a déclaré que ce sont les FAR et particulièrement le Colonel Bagosora qui lui ont fourni l’information comme quoi ces engins découverts étaient des SAM-16 Gimlet. Or les FAR n’ont jamais pensé aux SAM-16 Gimlet mais plutôt aux SAM-7. Tandis que le colonel Bagosora est catégorique pour dire que le terme SAM-16 Gimlet ne lui est jamais venu en tête et reconnaît plutôt lui avoir transmis, par la voie de l’avocat belge Mc Luc de Temmerman, la copie du rapport établi par le Lieutenant Munyaneza. Ce rapport ne parle pas de missile mais de “lance-missiles” et ne dit pas de quel type de missile il s’agit. La copie transmise par le Colonel Bagosora est exactement la même que celle dont il est question dans le rapport de la Mission d’Information parlementaire française (T II, annexes, p.265).
Il faut souligner cependant que dans la même lettre, le professeur Reyntjens écrit “mes anciennes sources britanniques et belges m’ont confirmé (ma source britannique ajoute “adamantly”) que d ‘après leurs renseignements, ces missiles font partie d’un stock prélevé par la France en Irak”.XIII Les informations sur la nature des missiles lui auraient donc été fournies par les services de renseignements britanniques et belges et non par les FAR. Ces services de renseignements n’auraient-ils pas opté pour les SAM-16 Gimlet pour faire croire que ces missiles ne pouvaient pas provenir des stocks de l’armée Ougandaise en vue de disculper le FPR et ses fournisseurs de matériels militaires? Cette intention apparaît nettement dans le livre de Filip Reyntjens lorsqu’il dit que l’armée Ougandaise ne disposait pas de missiles SAM-16 dans ses stocks. Selon lui, “les missiles en possession du FPR, provenaient très probablement des stocks de l’armée Ougandaise; or celle-ci ne disposait que de SAM-7, et non de SAM-16, vraisemblablement utilisé dans l’attentat”.XIV
Par ailleurs, Colette Braeckman, dans son livre “Rwanda Histoire d’un génocide”, parle de missile portable SAM de la série Strela. Elle le dit en ces termes: “A propos de l’attentat lui même, il se confirma qu’il s’agissait d’une opération militaire minutieusement préparée, réalisée par des spécialistes de haut vol et que l’engin utilisé avait probablement été un missile portable SAM de la série Strela”.XV
La confusion reste donc entière sur le type de missile utilisé dans l’attentat. Elle risque de brouiller les pistes. Sur ce point, en tout cas les spécialistes en balistique devraient pouvoir trancher à partir des indications déjà connues, en l’occurrence les données fournies par le Lieutenant Munyaneza
5. Les pistes privilégiées
Le Professeur Reyntjens a dégagé dans son livre cité ci-haut quatre hypothèses, à savoir: – Première hypothèse: Des éléments radicaux du régime et de l’armée; variante: des militaires Français agissant pour le compte de ceux-ci. – Deuxième hypothèse: La filière burundaise – Troisième hypothèse; Un coup démocratique qui a mal tourné – Quatrième hypothèse: le FPR; variante: des militaires Belges agissant pour le compte de celui-ci De ces quatre hypothèses, il classe l’hypothèse FPR comme la plus probable et souligne que la preuve matérielle, c’est-à-dire l’arme ayant servi au crime, constitue bien une piste à suivre.
La Commission Parlementaire Belge a retenu pratiquement les mêmes hypothèses que ci-dessus, sans se donner vraiment la peine de pousser loin ses investigations et son analyse. Cette Commission a donné plutôt l’impression de brouiller sciemment les pistes puisqu’elle a escamoté l’implication probable de l’équipe du Lieutenant Lotin et les raisons du dispositif anti-missiles dont le fameux avion C130 belge était équipé.
Quant à la Commission Parlementaire Française d’information, elle a dégagé les mêmes hypothèses que Reyntjens mais en les énonçant dans d’autres termes: – La piste des extrémistes Hutus commanditaires avec l’aide de militaires ou mercenaires Français “opérateurs” – La piste burundaise – La piste de l’opposition démocratique ou des Hutus modérés (action conjointe de l’opposition et du FPR) – La piste du FPR “commanditaires” avec l’aide de militaires Belges “opérateurs”.
Cette Commission a relevé plus de détails importants mais s’est gardée de désigner nommément le coupable malgré les preuves pertinentes et accablantes collectées contre le FPR. Elle n’a pas elle-aussi voulu pousser plus loin ses investigations surtout sur la piste des missiles (les différents fournisseurs jusqu’à l’organisation criminelle qui les a utilisés). En analysant les résultats de ces travaux et de bien d’autres experts de la région qui se sont exprimé sur le sujet, on se rend bien compte que la multiplicité des hypothèses ne fait que perpétuer la confusion et les spéculations. A l’état actuel des choses, il faut dépasser ce stade d’hypothèses multiples et procéder à l’élimination des hypothèses improbables qui ne servent qu’à entretenir justement la confusion et à brouiller les pistes.
Tous les experts de la région et même les deux Commissions mentionnées plus-haut jugent la filière burundaise non crédible. Sur ce point, leur analyse et conclusion sont absolument correctes. S’agissant de l’hypothèse de l’opposition modérée, il est impensable que l’opposition ait pris l’initiative alors que personne ne parvient jusqu’à présent à démontrer le bien fondé de ses mobiles et sa capacité technique et matérielle pour réaliser cet assassinat.
Par ailleurs, les ténors de cette opposition, à commencer par M. Faustin Twagiramungu Premier Ministre désigné, se sont exprimé et ont accusé le FPR d’être responsable de l’attentatXVI. Au cas où il y aurait eu complicité entre le FPR et l’opposition, c’est cette dernière qui aurait été à la remorque du FPR et non l’inverse.
De ces trois hypothèses restantes, il convient de remarquer qu’il y a deux parties principalement mis en cause et qui se trouvent être aussi les deux parties en conflit. Il s’agit des Hutus au pouvoir et du FPR. Donc pour ces trois hypothèses, les agents ou puissances extérieurs qui interviennent dans l’une ou l’autre hypothèse auraient agi pour le compte et ou de connivence avec l’une ou l’autre partie en conflit. Ceci nous amène à réduire les quatre hypothèses à deux seulement à savoir: – La piste des Hutus au pouvoir – La piste FPR
Ce sont donc ces deux parties en conflit qui doivent maintenant faire objet d’investigation. Si l’on veut vraiment éviter la confusion et les spéculations qui ont caractérisé jusqu’aujourd’hui les travaux antérieurs. Une équipe d’enquête indépendante qui se pencherait sérieusement sur ces deux pistes privilégiées aboutirait sur des résultats intéressants.
6. La piste la plus probable
6.1 A qui profite le crime?
Parmi les pistes envisagées, celle concernant le FPR est la plus probable pour les analystes qui examinent la situation avec l’objectivité et l’impartialité nécessaires. La première question à laquelle tout enquêteur doit répondre face à un tel crime est la question classique: “A qui profite le crime?”
Il est cependant curieux de constater que la plupart des analyses publiées sur le sujet et plusieurs témoignages qui ont fait l’objet de large diffusion, n’ont pas accordé à cette question la place qu’elle mérite. Que ce soit dans les rapports de René Degni Segui, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations-Unies ou dans le rapport des Experts des Nations Unies, que ce soit dans le rapport de la Commission du Sénat belge, que ce soit dans le rapport de la Mission d’information de l’Assemblée nationale française ou dans les nombreuses opinions individuelles exprimées publiquement ici et là ainsi que dans des livres diffusés trop hâtivement, aucune analyse exhaustive concernant la personne qui a tiré profit du crime n’a eu lieu.
Certains se sont abstenus de tirer des conclusions quant à l’auteur du crime tout en donnant l’impression de le connaître déjà (René Degni Segui, les Experts), d’autres ont tiré des conclusions ambiguës (Sénateurs belges, Parlementaires français), d’autres ont essayé d’aller plus loin avec la piste du FPR mais sans exprimer une opinion définitive (Filip Reyntjens), d’autres ont enfin pris la décision grâce de mettre le crime sur le dos des Hutu sans enquête préalable aucune (Alison Desforges).
Il est vrai que l’on ne peut pas se prononcer définitivement avant qu’une enquête exhaustive ne soit menée mais en essayant de répondre à la question à qui profite le crime, on peut parvenir à remonter la piste et à cerner le sujet au regard des circonstances dans lesquelles ce crime a eu lieu. L’analyse se limitera aux deux pistes privilégiées sur lesquelles la grande majorité des opinions est d’accord, à savoir la piste des Hutu civils et militaires, proches de Habyarimana et la piste FPR.
Tout le monde est d’accord sur le fait que le commanditaire de l’assassinat du Président Habyarimana visait la prise du pouvoir par la force dès que les tentatives de son contrôle par d’autres moyens se sont avérées lointaines et pas du tout sûres. L’on sait par ailleurs que la lutte pour le contrôle du pouvoir entre le FPR et le groupe opposé à l’hégémonie du FPR était acharnée depuis les négociations d’Arusha. Les accords d’Arusha ont consacré la victoire du FPR qui a obtenu des postes ministériels et des sièges au parlement. Si on prend en considération ses acquis, qui ne correspondaient pas à son poids politique, même Alison Desforges, adepte la plus acharné du FPR, reconnaît que ce mouvement rebelle avait obtenu plus qu’il n’espérait XVII. Selon Guichaoua, “les Accords d’Arusha… donnent au FPR et à ses alliés de l’intérieur, une prééminence qui ne correspond pas au rapport des forces politiques sur le terrain”.XVIII Mais le mouvement revanchard FPR voulait reprendre tout le pouvoir perdu en 1959. Il est donc faux d’affirmer qu’il était satisfait et pouvait se contenter des résultats des négociations d’Arusha.
Faisant le point à l’issue des négociations, le groupe opposé à l’hégémonie du FPR se rendit compte qu’il risquait de ne pas disposer ne fût-ce que du tiers de blocage dans les institutions de la transition. Il s’ensuivit alors une course à la montre pour éviter le contrôle exclusif et sans entrave des institutions de la transition par le FPR et ses alliés. L’offensive meurtrière du FPR qui a visé les civils appartenant à l’ethnie hutu avait déjà mis à mal la cohésion des Forces Démocratiques du Changement (FDC) alliées au FPR durant les négociations d’Arusha.
Le partage des postes au sein des partis politiques provoqua des scissions au sein du MDR et du PL, alors que l’assassinat du Président Hutu démocratiquement élu du Burundi finit par consacrer le cachet ethnique de la querelle pour les postes et le contrôle de la transition. Le FPR était accusé d’avoir participé à cet assassinat pour empêcher que la majorité hutu ne contrôle le pouvoir au Burundi. Le groupe opposé à l’hégémonie du FPR saisit cette occasion pour se reprendre et nouer une alliance avec les factions des partis MDR et PL non favorables au FPR.
Le FPR a aussi refait ses calculs et a trouvé qu’il n’était plus en mesure de contrôler le pouvoir avec la scission intervenue au sein de ses alliés. Il refusa la mise en place des institutions de la transition dans ces conditions et exigea la réunification des partis ou la remise des postes aux factions qui lui étaient favorables. Mais le Président Habyarimana ne pouvait rien changer puisque c’était le choix des leaders des partis politiques.
6.2 Le crime profite au FPR
Les événements qui ont suivi cet assassinat ont conduit le FPR à prendre le pouvoir par la force tel que cela était inscrit dans sa stratégie d’origine. L’objet de la querelle, c’est à dire le pouvoir, est donc revenu au FPR. Le groupe opposé à l’hégémonie du FPR a perdu non seulement son leader et certains de ses meilleurs éléments dans l’attentat mais a aussi perdu le pouvoir.
Les proches de Habyarimana avaient-ils intérêt à le faire disparaître? Rien n’est moins sûr. Les détracteurs de la famille Habyarimana prétendent qu’il aurait été tué par ses proches qui s’accrochaient au pouvoir de peur de perdre leurs privilèges. La mort de Habyarimana était-elle une garantie pour eux de garder le pouvoir et les privilèges? Leurs détracteurs le pensent bien. Ces derniers affirment que le Président Habyarimana avait fait des concessions que les extrémistes hutu comprenant les proches membres de sa famille, ne pouvaient pas tolérer. Selon cette analyse, Habyarimana devait donc mourir pour qu’il ne donne pas le contrôle du pouvoir au FPR.
Cette thèse n’est pas cependant soutenue par l’évolution des événements depuis la signature des accords d’Arusha et même avant. En effet, l’alliance entre le FPR et les Forces Démocratiques du Changement (FDC) était fortement fissurée suite à des contradictions internes consécutives au comportement hégémonique du FPR qui s’est fait jour à partir de l’offensive de février 1993. La majeure partie des membres des FDC a compris que le FPR voulait accaparer tout le pouvoir pour lui-même dans l’intérêt de la minorité tutsi pendant que l’opposition intérieure devenait “une force d’appoint au FPR et non plus une force prépondérante dans le jeu politique rwandais”.XIX L’opposition, en sa grande majorité, avait donc changé d’alliance. Cela ne dépendait pas de Habyarimana. Ses concessions ne pouvaient pas ramener l’essentiel du pouvoir sous le contrôle du FPR selon ses calculs antérieurs à la scission. Assassiner Habyarimana, dans ces conditions, n’était pas dans l’intérêt des adversaires du FPR.
Par ailleurs, à supposer même que le FPR parvenait, avec les concessions de Habyarimana, à prendre le contrôle des institutions de la transition, ce n’est pas en assassinant leur leader qu’ils allaient reprendre le contrôle du pouvoir à moins de faire un coup de force pour exclure le FPR ou minimiser sa main mise sur le pouvoir. Les partisans de la thèse de l’assassinat de Habyarimana par les extrémistes hutu affirment que ces derniers ont effectivement tenté un coup de force après la mort du Président pour contrôler le pouvoir, notamment en assassinant les leaders politiques tutsi et les Hutu modérés.
Pourtant tous les observateurs sont unanimes pour affirmer que ceux qu’on appelle “extrémistes” hutu, civils et militaires, n’étaient pas prêts à prendre la relève. En effet, l’assassinat du Président Habyarimana les a tellement surpris que la plupart se sont mis à l’abri dès l’annonce de l’attentat. Certains se sont réfugiés à l’ambassade de France pour être évacués vers l’étranger, tandis que d’autres se terraient chez eux sous la protection de l’Armée et la Gendarmerie en attendant anxieusement la suite des événements mais sans savoir laquelle ce serait. Aucun groupe organisé n’est apparu sur la scène politique pour contrôler la situation et en profiter pour prendre le pouvoir en main. Aucun scénario n’était prévu, à cet effet, bien que des bruits courraient depuis longtemps sur l’assassinat de Habyarimana par le FPR.
L’armée rwandaise elle-même semblait désemparée. Tous ses dirigeants indispensables, dans une telle situation, étaient absents: le Ministre de la Défense était en mission au Cameroun, le Chef d’état-major de l’armée était parti en mission avec le Président de la République et avait donc succombé dans le même avion que lui, le Chef de bureau des renseignements militaires à l’état- major de l’armée était lui aussi en mission au Cameroun en compagnie de son Ministre, le Chef de bureau des opérations militaires à l’état-major de l’armée était en mission de longue durée en Egypte, le Chef d’état-major de la Gendarmerie était lui-même en congé. Qui donc pouvait préparer un coup de force en dehors de l’armée et de la gendarmerie? Aucun groupe organisé ne s’est en tout cas manifesté pour le faire. La prétendue tentative de coup d’état fomenté par Bagosora n’a été propagée que par le FPR et ses sponsors dans le but de rejeter la responsabilité de l’assassinat du Président Habyarimana et ses conséquences sur son entourage.
Une analyse objective permet aussi de penser que les proches de Habyarirnana ou les Hutu que l’opinion occidentale appelle “extrémistes”, n’avaient aucun intérêt à perdre le leader hutu le plus à même de faire face, avec quelque chance de succès, aux coups de boutoir du FPR et à gagner les élections prévues à l’issue de la période de transition. Aucune relève n’avait été prévue à ce sujet. Aucune figure emblématique, en dehors de Habyarimana, n’était apparue sur la scène politique pour remplacer ce dernier en cas de disparition ou d’empêchement avant les élections. Il y avait plusieurs courants politiques par les Hutu à telle enseigne qu’ils ne pouvaient pas se mettre d’accord sur un seul leader capable de remplacer Habyarimana. En tout cas, pour les membres du MRND, Habyarimana était toujours le leader charismatique qu’ils croyaient imbattable dans des élections démocratiques. Ils ne pouvaient donc pas ourdir un complot contre lui. Quant à sa famille et à ses proches, ils n’avaient aucune garantie de pouvoir garder leurs privilèges après sa mort même si son successeur était issu de leurs rangs.
En outre, quand on sait que le Sommet auquel Habyarimana à été convié était organisé sur l’initiative d’une tierce partie qui a déterminé la date et le lieu de sa tenue, l’on peut en déduire que seule la personne au courant de cette initiative et qui a suivi le déroulement des travaux du Sommet avait tous les atouts pour organiser et réussir l’attentat contre l’avion Présidentiel, au retour du Sommet
Le groupe qu’on qualifie d’extrémiste hutu ne pouvait avoir aucune influence quelconque sur la détermination de la date ou du lieu du Sommet et n’a pas pu suivre son déroulement qui a pris seulement une journée. Il faut relever, par contre, que les organisateurs du Sommet se sont arrangés pour changer, à la dernière minute, le lieu de la réunion et la date ainsi que son objet. En effet, la date du Sommet était préalablement fixée au 5 avril 1994. Il a été reporté au 6 avril 1994. Arusha avait été prévu comme lieu de rencontre. Dar-es-Salaam a été préférée dans la suite. La réunion devait porter principalement sur le problème burundais, mais c’est le dossier du Rwanda qui a dominé les débats. Les discussions se sont étirées jusque tard dans la nuit de sorte que le Communiqué final dans sa version française n’a été signé qu’à l’aéroport. Il y a aussi des informations cruciales qu’il faut vérifier auprès des témoins, à savoir que le Président Museveni aurait retardé délibérément le Sommet et que le Président Mwinyi aurait refusé l’hospitalité à ses homologues burundais et rwandais qui souhaitaient passer la nuit à Dar-es-Salaam sur l’insistance des pilotes de l’avion présidentiel rwandais que les deux Chefs d’Etats devaient prendre. Il est clair que, à moins d’être au courant de tous ces changements et d’avoir préparé l’assassinat du Président Habyarirnana depuis longtemps, il n’était pas possible d’organiser et réussir l’attentat dans le laps de temps de moins de deux heures séparant la fin du Sommet et l’arrivée à Kigali
Il y a, ensuite, un point très important qu’il faut mettre en exergue, c’est que les protagonistes de la thèse de l’attentat commandité ou exécuté par les “extrémistes” hutu ou les proches de Habyarimana, ne montrent pas comment les assassins ont pu disposer des moyens techniques et de l’expertise nécessaires pour abattre l’avion présidentiel. Les missiles qui ont abattu l’avion étaient inconnus dans l’armée rwandaise et aucun militaire rwandais ne savait les manier et encore moins les civils. Le rapport de la Mission d’Information de l’Assemblée nationale française fait penser qu’il y avait des missiles récupérés sur l’armée du FPR et qui n’avaient jamais été utilisés déduisant de cela que l’armée rwandaise aurait pu utiliser ces missiles contre l’avion présidentiel. Cependant, les parlementaires français ne font que des spéculations selon les informations ambiguës et même contradictoires émanant des services de renseignements français. Aucun d’entre eux n’a vu ces missiles récupérés. Personne n’a entraîné le personnel de l’armée rwandaise au maniement de telles armes. Mais les détracteurs de l’armée et des Hutu opposés au FPR affirment que ces derniers auraient utilisé des mercenaires. Pourtant, il n’y a aucune trace de ces mercenaires. L’idée avancée, à ce propos par Colette BraeckmanXX, n’a été, en fin de compte, retenue par aucun observateur sérieux et objectif.
Il convient de relever enfin que si lesdits extrémistes hutu et proches de Habyarimana avaient planifié de le tuer pour s’accaparer du pouvoir, ils auraient logiquement usé de moyens moins sophistiqués puisqu’ils évoluaient tout le temps dans le cercle de ses intimes et auraient tout fait pour surprendre le FPR et l’empêcher de réagir aussi vite à l’assassinat comme il l’a fait.
II est donc clair qu’aucun élément objectif ne milite en faveur de la thèse de l’assassinat du Président Habyarimana par les “extrémistes” hutu civils ou militaires. Par contre, il existe beaucoup de faits et signes qui montrent que l’assassinat a été commandité par le FPR et exécuté par lui avec l’assistance de ses alliés étrangers.
En fait, la stratégie du FPR était la prise du pouvoir, de tout le pouvoir par la force. Lors de son attaque, le 1 octobre 1990, il entendait mener une guerre éclair jusqu’à Kigali qu’il envisageait de prendre dans les trois jours. Quand cela a échoué par la défaite de ses troupes, le 30 octobre 1990, il a changé de stratégie militaire en entreprenant la guérilla. Mais l’objectif était toujours le même: prendre le pouvoir par la force. Tous les observateurs se rangent à l’idée que le FPR avait pour objectif ultime de s’approprier le pouvoir. Même les organisations ou les personnes qui lui sont proches ou qui sont tout simplement contre le contrôle du pouvoir par les Hutu, tels que African Rights, Colette Braeckman, Alison Desforges, André Guichaoua, le reconnaissent. Les négociations d’Arusha n’étaient pour lui qu’une diversion destinée à faire croire que le FPR voulait une paix négociée et non imposée par les armes. Ainsi, à en croire M. Guichaoua, “.. pour le FPR, l’enjeu essentiel des négociations d’Arusha sera d’obtenir le départ des troupes françaises et, finalement, de libérer le terrain pour une éventuelle offensive militaire”.XXI Aussi, n’est-il pas étonnant de constater que, directement après la signature des accords d’Arusha, le FPR a accéléré les préparatifs de guerre qui avaient commencé bien avant avec l’offensive de février 1993. Colette Braeckman et African Rights confirment ces préparatifs. XXII
6.3 Le FPR avait l’intention et les moyens de commettre le crime
La vertu de la stratégie de la guerre du FPR pour arriver au pouvoir est louée par ses propres membres. Ainsi, lors d’une émission diffusée par Radio Rwanda, le 10 octobre 1997, l’un des intervenants, un certain Mungarurire Joseph, ancien chef pendant la période monarchique et vraisemblablement ancien Inyenzi et membre du FPR, a déclaré que, pour lui, les négociations qui commencent après l’éclatement de la guerre comme celles d’Arusha ne sont qu’une diversion. Selon lui, chaque partie essaye de rouler l’autre pour la vaincre. Il donne comme exemple -que le FPR a certainement suivi-, les négociations que Museveni a menées avec le Président Okello d’Ouganda à Nairobi, en 1986, alors qu’il préparait l’assaut sur Kampala. En effet, après la signature des accords de Nairobi, Museveni a repris les armes et, en 3 semaines, d’après Mungarurire, il avait pris Kampala. Ce n’est pas, par les négociations qu’il a pris le pouvoir et il dirige bien son pays, a renchéri Mungarurire. Ce dernier a conclu en affirmant que tout comme les accords de Nairobi n’ont pas abouti à la solution des problèmes Ougandais, les accords d’Arusha n’ont pas trouvé la solution aux problèmes rwandais. C’est, selon lui, la victoire militaire du FPR qui devait solutionner ces problèmes
Ainsi, le FPR menait les négociations en ayant à l’esprit qu’il devait continuer sa stratégie de prise du pouvoir par la force. L’idée défendue par Alison Desforges, selon laquelle le FPR n’avait plus besoin de préparer la guerre parce qu’il avait obtenu beaucoup à Arusha XXIII, ne tient donc pas compte de l’évolution des événements qui ont privé le FPR de moyens politiques pour asseoir son hégémonie et qui ont servi de prétexte pour justifier la mise en oeuvre de sa stratégie originelle de prendre le pouvoir par la force. Il a été surpris par l’évolution de la situation dont il est pourtant à l’origine. Il n’avait prévu aucune alternative pacifique conforme à une telle tournure des événements. Il opta donc pour le scénario devant conduire à la reprise de la guerre. Ce scénario apparaît dans le document diffusé par le département de la propagande du FPR directement après les accords d’Arusha et qui envisageait l’idée de se débarrasser de Habyarimana par la force.
Ce document intitulé “Situation actuelle et perspectives à court terme” précise, dans le IVème scénario, les moyens à mettre en oeuvre pour éliminer Habyarimana, en ces termes : “Rupture des accords d’Arusha et recomposition d’un gouvernement en écartant par la force militaire et populaire HABYARIMANA et ses satellites, dans un délai ne dépassant pas neuf mois à partir de la date de signature des accord, de paix; – Redéfinition de la Transition;
– Organisation d’élections au moment jugé le plus opportun par le FPR”.
Après avoir conclu à la nécessité d’éliminer Habyarimana, le FPR décida alors des moyens à mettre en oeuvre pour arriver à ses fins. Des tentatives d’assassinat du Président auraient eu lieu mais elles ont échoué à cause de la vigilance des forces de la garde Présidentielle.
Des informations dignes de foi ont signalé, depuis novembre 1993, la présence à Kigali, d’un escadron de la mort charge d’assassiner le Président de la République ainsi que des officiers supérieurs et des hautes autorités civiles. Un message du FPR capté le 28 décembre par les services gouvernementaux de renseignements disait entre autres que “… le but général est de faire de nouveau état d’arrestations des principales personnalités du régime Juvénal et de liquidations physiques de certaines autorités militaires et civiles à la date et aux ordres précis” [..] “… la liste des victimes vous parviendra après, mais le numéro un est justement connu!”
Des messages captés au mois de décembre 1993 et janvier 1994, confirmèrent l’intention du FPR de provoquer le chaos comme celui du Burundi par une série d’assassinats, notamment celui du Président Habyarimana. Un message capté le 12 janvier 1994 fait état d’une tentative d’assassinat qui a échoué le 5 janvier 1994 au moment de la prestation de serment de Habyarimana comme Président de la République pour la période de transition. Des tentatives auraient également eu lieu au cours des déplacements, par route, du Président Habyarimana entre sa résidence et son bureau en ville.
Après l’échec de ces tentatives d’assassinat direct, le FPR choisit d’autres voies pour éliminer Habyarimana. C’est ainsi que des informations ont commencé à parvenir aux services de renseignements faisant état de la possibilité d’un attentat contre l’avion Présidentiel. Un rapport de renseignement du 5 janvier 1994 évoque la présence de missile SAM-7 au siège de l’Assemblée nationale rwandaise (CND) où campe le bataillon des 600 militaires du FPR. Ce bataillon s’était, en fait, renforcé clandestinement de personnels et de matériels militaires infiltrés de Mulindi, quartier général du FPR, grâce à la complicité ou au manque de vigilance des casques-bleus belges de la MINUAR chargés de l’escorte des navettes du FPR entre Kigali et Mulindi.
Selon une confidence émanant d’un officier des casques-bleus belges, le bataillon du FPR au CND était surarmé. Il possédait, en violation des Accords d’Arusha, des armes lourdes de différents calibres. Il avait des canons sans recul, des lances-roquettes multiples, des mitrailleuses de tout genre et des missiles SAM-7. Le Colonel Marchal qui commandait les casques-bleus belges à la MINUAR a confirmé les infiltrations d’armes du FPR dans la capitale au cours de ces navettes. Il a déclaré ce qui suit à la Commission d’enquête du Sénat belge: “j’ai été toujours persuadé que, lorsque le FPR allait chercher du bois de chauffage dans le Nord, c’était amener des armes. On a tout essayé pour contrôler cela, mais en vain”XXIV. Le Général Dallaire, Commandant de la MINUAR n’a pas non plus nié ces infiltrations. Il a reconnu que la vigilance de ses hommes n’était pas à 100% efficace “.. . my staff or troops were not always 100 percent vigilant”.XXV
Rappelons, par ailleurs, que le FPR possédait des missiles et avait démontré dans le passé sa capacité technique de les utiliser. En effet, il a abattu par missiles des aéronefs des FAR pendant la guerre. Un avion de reconnaissance à Matimba au Mutara le 07 octobre 1990, un hélicoptère Gazelle à Nyakayaga au Mutara le 23 octobre 1990 et un hélicoptère Ecureuil à Cyeru Ruhengeri le 13 mars 1993. On se rappellera également que l’ambassadeur de l’Ouganda à Washington, M. Stephen Kapimpina-Katenta-Apuuli et Innocent Bisangwa-Mbuguje, secrétaire privé du Président Museveni, ont été arrêtés à Orlando en Floride (USA) en août 1992, en train d’acheter frauduleusement des missiles pour le compte du FPR.
6.4 Les indices du crime du FPR
Les signes avant-coureurs et les réactions relevés ci-avant renferment déjà de sérieux indices concernant la planification et l’exécution de l’attentat contre le Président Habyarimana par le FPR. C’est effectivement avant le neuvième mois après la signature des Accords d’Arusha, conformément à la planification du FPR évoquée ci-dessus, que l’avion du Président Habyarimana a été abattu et que la marche inexorable de ses troupes sur la capitale a commencé, dans un bain de sang sans précédent, par son ampleur, dans l’histoire du Rwanda.
Le FPR a bien préparé l’appropriation du pouvoir par la force en bloquant la mise en place des institutions de la transition avec une obstination coupable. L’on ne comprend pas notamment son refus d’admettre que le parti CDR occupe, à l’Assemblée Nationale de Transition (ANT), l’unique siège qui lui était réserve alors que ce même FPR avait consenti, à Arusha à mettre ce même parti sur la liste des partis invités à entrer dans cette assemblée non élue. Le FPR à refusé d’écouter les personnalités religieuses rwandaises ainsi que les milieux diplomatiques qui recommandaient que tous les partis reconnus à la signature des Accords d’Arusha soient admis à siéger à l’ANT. De même, les observateurs ont noté, avec désapprobation le refus du FPR de reconnaître le compromis atteint sous l’égide du Président Habyarimana, le 27 février 1994, par les deux tendances du Parti Libéral, sur le partage des postes ministériels et des sièges à l’Assemblée réservés à leur parti XXVI. Conformément aux informations émanant du FPR et captées par les services de renseignements gouvernementaux durant les mois de décembre 1993 et janvier 1994, les assassinats de personnalités politiques planifiés par le FPR pour provoquer le chaos à la burundaise ne tarda pas à se matérialiser. En effet, le 21 février 1994, le ministre Félicien Gatabazi, Secrétaire GénéraI du Parti Social Démocrate fut assassiné. Le lendemain, ce fut Martin Bucyana, Président du parti CDR. L’assassinat de Habyarimana n’était pas loin. En effet, les informations du 02 avril 1994 confirmèrent celles des mois précédents faisant état d’une série d’assassinats. Mais, en plus de ces assassinats, ces dernières informations précisaient que le FPR devait déclencher simultanément une offensive généralisée sur Kigali. Ainsi, l’assassinat de Habyarimana devait s’accompagner d’autres assassinats de plusieurs autorités militaires et civiles de la partie gouvernementale. Mais le FPR s’est heurté à la résistance inattendue de l’armée et de la population dans la défense de la capitale.
Comme déjà souligné plus haut le QG du FPR à Mulindi a été informé de la mort du Président par le bataillon du FPR se trouvant au CND vers 20h30, soit immédiatement après l’attentat. La rapidité avec laquelle cette information a été transmise est très révélatrice. Le bataillon du FPR aurait ainsi donné le rapport d’exécution de la mission à ses supérieurs, signe attendu pour déclencher l’attaque généralisée sur tous les fronts.
On relève aussi que, immédiatement après l’assassinat du Président Habyarimana et même avant, selon certaines sources, le FPR a mis en branle plus de vingt mille hommes à l’assaut final sur Kigali pour prendre le pouvoir par les armes. Plus tard le FPR a essayé de justifier la reprise de la guerre par la nécessité d’arrêter les massacres mais en réalité quand la guerre a repris, il n’y avait pas encore de massacres sauf celles du FPR dans la zone tampon. Voici le témoignage qu’Amnesty International à recueilli à ce sujet: “Les informations émanant (entre autres), de témoins oculaires rwandais indiquent que des centaines, voire des milliers de civils non armés et d’opposants du FPR faits prisonniers ont été sommairement exécutés ou tués de manière délibérée ou arbitraire, depuis la recrudescence des massacres et des autres actes de violence qui ont fait suite à la mort de l’ancien Président Juvenal Habyarimana, le 6 avril 1994. Nombre des homicides s’inscrivent dans un cycle de représailles arbitraires exercées dans le Noid-Est du pays, parfois dès avant le 6 avril 1994, et visant essentiellement des groupes de civils hutu”XXVII.
Ainsi donc, le FPR avait un mobile clair de se débarrasser du Président Habyarimana perçu comme l’obstacle majeur au contrôle du pouvoir. Le chaos provoqué par cet assassinat lui a permis de justifier la reprise de la guerre alors que c’est lui-même qui l’avait provoqué. Il avait essayé d’ailleurs, depuis bien avant, de provoquer un tel chaos avec le massacre, en novembre 1993, des élus du MRND, dans la zone-tampon, puis avec l’assassinat, le 21 février 1994, de Félicien Gatabazi, ministre et leader politique du Parti Social Démocrate (PSD), suivi le lendemain par l’exécution de Martin Bucyana, Président de la Coalition pour la Défense de la République (CDR).
Par contre, les Hutu n’avaient aucun mobile puisqu’en perdant Habyarimana, ils n’étaient pas sûr de réussir à contrôler le pouvoir avec la présence du FPR au coeur même de la capitale et aux frontières du pays.
Aucune intention ne s’est jamais faite jour dans les milieux hutu sur la tentative d’assassiner le Président Habyarimana alors que le FPR faisait courir lui-même l’information sur son intention de s’en débarrasser.
Enfin, il y a lieu de signaler que les observateurs ont noté que le FPR et le gouvernement installé par lui à Kigali, en juillet 1994, ont fait montre d’un manque d’intérêt coupable en ce qui concerne la nécessité de mener une enquête internationale sur l’attentat contre l’avion de Habyarimana. Tout le monde a été plutôt stupéfait d’apprendre que les responsables de ce gouvernement se sont opposés à l’intention du ministre de la justice (un hutu), Alphonse Marie Nkubito, de faire mener enfin, en 1995, une enquête sur cet attentat. M. Faustin Twagiramungu en a fait le témoignage devant la Mission d’Information de L’Assemblée Nationale française, le 12 mai 1998, en ces termes: “Moi-même lorsque j’étais encore Premier Ministre, j’ai soulevé la question d’une enquête internationale sur cet attentat au Conseil des Ministres, et le Vice-Président et Ministre de la Défense m’a répondu que cette enquête n’était pas une priorité pour le pays et que pour les autres rwandais assassinés aucune enquête de ce genre n’a été non plus menée”.
Par ailleurs, poursuit Faustin Twagiramungu, “au début de l’année 1995, lorsque le gouvernement du Burundi a officiellement demandé au gouvernement rwandais de mener une enquête pour élucider les circonstances de la mort du Président Cyprien Ntaryamira, la Présidence et la Vice-présidence de la République Rwadaise ont réagi d’une façon plus ou moins suspecte: le Ministre de la justice d’alors, M Nkubito, à qui le dossier a été confié, a adressé une lettre au Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Shahiyaar Khan, sollicitant son concours. Le Directeur de cabinet du Président, Emmanuel Gasana, accompagné d’un haut cadre de la Vice-présidence, ont été dépêchés auprès du Ministre de la justice avec l’ordre de retirer l’original de la lettre des bureaux du Représentant Spécial et de la détruire ainsi que les copies éventuellement distribuées.”
L’attitude du gouvernement installé à Kigali par le FPR et contrôlé par lui, confirme que ce gouvernement a quelque chose à cacher. Pourquoi ne se serait-il pas plutôt empressé de mener une enquête sur l’assassinat de Habyarimana pour confirmer la thèse qu’il a contribué à répandre, selon laquelle Habyarimana aurait été tué par les “extrémistes” hutu? On aurait pourtant cru que le FPR avait intérêt à ce que ces extrémistes soient démasqués et que les soupçons qui pèsent sur lui soient levés.
7. Refus presque unanime de mener l’enquête
Il apparaît clairement que personne, parmi les parties concernées d’une façon ou d’une autre par l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, ne veut voir se faire l’enquête internationale sur l’assassinat de ce dernier sauf ses proches ainsi que les Hutu opposes an FPR. Ces derniers sont les seuls qui veulent connaître la vérité afin de s’affranchir de l’accusation orchestrée par le FPR XXVIII et ses sponsors et véhiculée par les médias internationaux. Il serait utile de passer en revue l’attitude de chaque partie face à cette question.
7.1 Le gouvernement intérimaire (9 avril 1994 – 14 juillet 1994)
Dès sa mise en place le gouvernement du Premier Ministre Jean Kambanda a pris contact avec la MINUAR pour lui signifier la nécessite de mener une enquête internationale indépendante en vue d’élucider les conditions de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana et d’identifier les auteurs de ce crime qui a causé la mort de deux Chefs d’Etat, celui du Rwanda, Juvénal Habyarimana, et celui du Burundi, Ntaryamira ainsi qu’une dizaine de leurs proches collaborateurs.
La demande verbale a été suivie d’une lettre datée du 02 mai 1994 au Premier Ministre du gouvernement intérimaire, émanant du Commandant de la MINUAR, le Général Dallaire, qui confirmait la disponibilité de la MINUAR à “mettre en place une Commission internationale d’enquête”. La même lettre demandait au Premier Ministre de préciser les pays que le gouvernement rwandais souhaiterait voir figurer dans la Commission ainsi que les modalités éventuelles.
Le Premier Ministre du gouvernement intérimaire a répondu au Général Dallaire par sa lettre du 07 mai 1994, donnant les indications souhaitées. Cette correspondance n’a pas cependant été suivie d’effet.
Il convient de noter que sans l’assistance internationale, le gouvernement intérimaire n’avait pas d’experts capables de mener une telle enquête. De plus il fallait une enquête indépendante. Enfin, il faut rappeler que la reprise immédiate de la guerre par le FPR n’a pas permis au gouvernement intérimaire de mener ne fût-ce que des investigations préliminaires. Seule une Commission neutre disposant des garanties de sécurité de la part des deux parties an conflit pouvait remplir cette tâche
7.2 Le gouvernement du FPR (19 juillet 1994 – jusqu’à ce jour)
Le FPR a fait courir la thèse de l’attentat contre l’avion Présidentiel par des membres des Forces Armées Rwandaises en complicité avec les proches de la famille Habyarimana, assistés par des militaires ou des mercenaires français. Par contre, les Hutu anti-FPR et la famille du Président Habyarimana ont mis en cause le le FPR en complicité avec des militaires belges de la MINUAR. On aurait donc pu penser logiquement qu’à sa prise du pouvoir, le FPR se serait empressé de faire mener cette enquête pour se disculper et confondre les véritables assassins du Président Habyarimana. Au lieu de cela, le gouvernement du FPR a plutôt fait obstruction à toute enquête sous prétexte que ce ne serait pas la priorité comme cela a été relevé ci-avant.
Si même, on concédait que cette enquête ne constituait pas effectivement, au début, une priorité pour un gouvernement formé par des gens qui souhaitaient depuis longtemps la disparition du Président Habyarimana, on ne peut pas comprendre que plus de cinq ans après aucune action n’ait été entreprise pour élucider les circonstances de la mort de deux Chefs d’état de deux pays voisins ainsi qu’une dizaine de leurs collaborateurs. il y a lieu également de se poser des questions sur l’acharnement des plus hautes autorités du régime FPR à vouloir à tout prix effacer toute trace de la demande d’enquête de la part du gouvernement burundais. Enfin, l’on ne comprend pas comment en mars 1996, le gouvernement du FPR a demandé à l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) uniquement l’expertise de l’avion présidentiel et non l’enquête en bonne et due forme. Le gouvernement du FPR a donc tout fait, jusqu’ici, pour éviter qu’une enquête internationale sur l’assassinat du Président Habyarimana puisse avoir lieu. Cela indique que ce gouvernement, et plus particulièrement les responsables du FPR, ont quelque chose à voir dans cet assassinat.
7.3 L’Organisation des Nations-Unies
Par sa lettre du 2 mai 1994, le Général Dallaire, Commandant de la Mission d’Assistance des Nations-Unies pour le Rwanda, a donné l’espoir au gouvernement rwandais que l’enquête internationale sur l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana allait bientôt être menée.
Pourtant, ce même général avait repoussé l’offre faite par des militaires français pour l’aider à faire des investigations dès la nuit du 6 au 7 avril 1994. XXIX Il disait devoir s’en remettre d’abord aux Américains.
L’espoir suscité par la lettre du 2 mai 1994 s’est depuis longtemps évanoui puisque depuis lors aucune enquête n’a été diligentée par les Nations-Unies. Le Conseil de sécurité s’est limité à demander au Secrétaire Général de l’ONU, de “recueillir toutes les informations utiles sur le sujet par tous les moyens à disposition”. Mais malgré le rappel contenu dans sa résolution 918 du 17 mai 1994 qui précise que le Secrétaire Général devait “recueillir des informations sur la responsabilité dans l’incident tragique qui à coûté la vie aux Présidents du Rwanda et du Burundi”, la demande est restée lettre morte. Le Secrétaire Général n’y a pas donné suite. Peut-être qu’avec la mise en place de la Commission cette enquête pourra être menée.
Il convient de souligner également que le Tribunal Pénal international pour le Rwanda, créé par les Nations-Unies le 8 novembre 1994, n’a pas non plus voulu, jusqu’ici, mener l’enquête sur l’assassinat du Président Habyarimana, alors que cet événement tragique a été à l’origine des violations graves du droit international humanitaire faisant l’objet de poursuites par ce Tribunal.
7.4 L’Organisation de L’Unité Africaine (OUA)
L’ Organisation de l’Unité Africaine, sous la houlette de son Secrétaire Général, Salim Ahmed Salim, ami de longue date du Président Museveni d’Ouganda, le plus grand sponsor du FPR dans sa guerre contre le pouvoir de la majorité hutu au Rwanda, s’est plutôt caractérisée par un parti pris insidieux en faveur de la rébellion tutsi depuis l’invasion de 1990 qu’elle n’a jamais condamnée. L’assassinat du Président Habyarimana et de son homologue Ntaryamira du Burundi n’a donné lieu à aucune émotion particulière de la part de l’OUA qui n’a même pas daigné exprimé ses condoléances ni aux familles éprouvées ni au gouvernement intérimaire. D’ailleurs, l’organisation panafricaine a tente de bouder ce gouvernement et de reconnaître le FPR avant même sa prise du pouvoir à Kigali.
Dans ces conditions il était donc exclu que l’OUA prenne une initiative pour la mise en place d’une Commission d’enquête sur l’assassinat du Président Habyarimana. Il est important de souligner que l’indifférence de l’OUA à propos de cette question vient d’être confiée par le Président de la Commission mise en place pour déterminer les origines et les conséquences des événements tragiques qui ont eu lieu au Rwanda en 1994, l’ancien Président du Botswana M. Keturnile Masire. Celui-ci a, en effet, déclaré que la Commission n’allait rien changer sur ce qui a déjà été dit sur les événements du Rwanda mais qu’elle allait plutôt en tirer des leçons devant servir à éviter, à l’avenir, de telles tragédies. Il est clair que cette Commission n’a pas l’intention de faire des investigations sur l’assassinat du Président Habyarimana qui pourraient pourtant modifier l’appréciation qu’on fait des événements qui ont eu lieu en 1994. Elle veut éviter la vérité qui sortirait de ces investigations et préfère se contenter des manipulations des événements faites justement par les véritables assassins du Président Habyarimana et leurs sponsors. De là à conclure que l’OUA cherche elle aussi à couvrir certaines personnes ou certains pays, il n’y à qu’un pas.
7.5 Le gouvernement belge
Le gouvernement belge aurait du aussi être plus intéressé par la tenue de l’enquête, surtout pour rechercher les éléments convaincants pour démentir les accusations de complicité avec le FPR portées contre le contingent belge de la MINUAR dans la planification et l’exécution de l’assassinat du Président Habyarimana. Aucune démarche dans ce sens n’a apparemment été officiellement entreprise. Le gouvernement belge aurait-il quelque chose à cacher? N’y a-t-il pas des intérêts supérieurs à protéger au point de tolérer la persistance des accusations avancées par les milieux hutu rwandais opposés au FPR?
Par ailleurs, la Commission du Sénat belge n’a pas voulu pousser ses enquêtes plus loin sur l’implication de l’équipe du Lieutenant Lotin. Celle-ci, comme nous l’avons souligne ci-avant, avait effectué au parc national de l’Akagera une mission pour accompagner les militaires du FPR. Cette mission n’était-elle pas connue des autorités de la MINUAR? D’autre part, comment se fait-il que cette équipe n’est revenue à Kigali qu’au moment de l’attentat et que son itinéraire passe, comme par hasard, non loin du lieu d’où sont partis les missiles tirés contre l’avion Présidentiel? Il faut noter ensuite que la Commission du Sénat belge n’a pas cherché à élucider le pourquoi du dispositif anti-missile dont le fameux C130 belge qui suivait l’avion Présidentiel était équipé XXX. II convient de souligner enfin que cette Commission parlementaire n’ a pas voulu non plus éclaircir les contradictions au sujet du nombre de militaires belges assassinés au camp Kigali, le 07 avril 1994. Devant la Commission, certains témoins ont évoqué le nombre de 10, d’autres de 11, tandis que d’autres précisent que 16 corps de militaires, dont deux appartenant à des marocains, ont fait l’ objet d’autopsie à Nairobi XXXI.. Cependant, le chiffre officiel retenu par le Gouvernement belge est de 10. Des analystes pensent que parmi les militaires tués, il y aurait des mercenaires engagés pour exécuter l’assassinat du Président Habyarimana et dont on cherche à cacher l’identité.
7.6. Le gouvernement français
Selon le Général Dallaire, des militaires français lui ont offert leur service en vue de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana mais il a décliné l’offre avant d’en avoir parlé aux Américains. Cependant rien ne permet de dire que cette offre émanait officiellement du gouvernement français. Il est plutôt apparu que le gouvernement français attendait que l’initiative provienne des Nations-Unies. C’est pourquoi, il a fait une proposition dans ce sens au Conseil de Sécurité qui a chargé le Secrétaire Général de ce dossier comme nous l’avons évoqué ci-avant. Il est cependant étonnant que le gouvernement français n’ait pas exigé des comptes au Secrétaire Général de l’ONU. Il s’est plutôt confiné dans un attentisme incompréhensible pour un pays qui a perdu trois de ses citoyens et agents de l’état. Que craint le gouvernement français à exiger une telle enquête? A-t-il peur des résultats de l’enquête? Cherche-t-il à couvrir les auteurs de l’attentat qu’il connaît?
7.7. Le gouvernement américain
Le gouvernement américain n’a exprimé aucun souhait de voir une enquête quelconque menée dans cette affaire. Certains analystes pensent plutôt que ce gouvernement a déployé des pressions sournoises pour empêcher que cette enquête ne puisse se faire. En effet, disent-ils, si les Etats Unis l’avaient voulu, l’enquête aurait déjà eu lieu depuis longtemps soit dans le cadre de l’ONU, soit par l’intermédiaire d’une commission internationale indépendante. Ceci était d’autant plus facile que les Etats-Unis sont la puissance qui possède le plus d’influence sur le nouveau régime de Kigali.
7.8 L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI)
L’OACI a été officiellement sollicitée pour effectuer une enquête en bonne et due forme par le Gouvernement intérimaire notamment via les Nations-Unies représentées par la MINUAR et par le Gouvernement belge. A la suite de cela, ce point a été inscrit à son ordre du jour du 25 avril 1994, mais aucune enquête n’ a été menée. XXXII.
Le gouvernement du FPR n’a demandé que la simple expertise de l’avion, par sa lettre du 28 mars 1996 au Représentant régional de l’OACI.
Il est cependant étonnant que cette Organisation ne se soit jamais intéressée à ce dossier qui rentre parfaitement dans ses attributions. Par ailleurs, aucune information ne permet de dire si elle a donné suite à la demande d’expertise faite par le gouvernement de Kigali. On a l’impression qu’elle veut éviter d’être mêlé à un dossier politique très explosif ou qu’elle en a été discrètement empêchée. Il apparaît donc évident que tous les gouvernements intéressés ne tenaient pas à ce que l’enquête sur l’assassinat du Président Habyarimana soit menée, sauf le gouvernement intérimaire de Jean Kambanda qui, en fait, a cessé d’exister depuis le 14 juillet 1994.
8. Nécessité de l’enquête
8.1 L’assassinat considéré comme l’étincelle qui a embrasé le pays
Les analystes sont unanimes pour considérer que l’assassinat du Président Habyarimana à constitue l’élément qui à déclenché les massacres et la reprise de la guerre.
Le Rapporteur spécial, René Degni Segui, à été parmi les premiers à relever ce fait dans son rapport préliminaire publié le 28 juin 1994. Cette idée n’a point été révisée dans les rapports ultérieurs, spécialement les deux qui ont suivi. XXXIII Dans son rapport préliminaire, le Rapporteur spécial écrit que “l’accident survenu le 6 avriI 1994 et qui a coûté la vie au Président de la République rwandaise, JuvénaI Habyalimana semble bien être la cause immédiate des événements douloureux et dramatiques que connaît actuellement ce pays”. Plus loin dans le même rapport, il précise que, “l’attaque contre l’avion présidentiel doit être examinée par le Rapporteur spécial dans la mesure où il peut y avoir des liens entre ceux qui l’ont commanditée et les responsables des massacres”. Cependant, il n’a rien fait pour élucider les tenants et les aboutissants de cet attentat jusqu’à la suppression de son poste de Rapporteur spécial exigée par le gouvernement du FPR qui le trouvait trop critique.
Les Experts des Nations-Unies ont également noté, dans leur rapport final, que “cette catastrophe a déclenché de graves violations préméditées des droits de l’homme..”XXXIV. Ils n’ont cependant rien fait pour découvrir les auteurs de l’attentat qu’il est logique de rattacher au déclenchement des massacres.
Certains spécialistes des questions du Rwanda reconnaissent que les auteurs de l’attentat ont pris une grande responsabilité en déclenchant des massacres ethniques d’une grande ampleur qui auraient pu ne pas avoir lieu sans cet assassinat du Président Juvénal Habyarimana. Pour Filip Reyntjens et André Guichaoua, il est essentiel d’identifier les responsables de cet assassinat. De l’avis de Filip Reyntjens, “it was extremely important for us to determine who shot down the president Habyarimana’s plane that was the spark that set off the flame of genocide and sent Rwanda spiraling into the whole impasse the country find itself in today”XXXV. Pour Guichaoua “… l’attentat envers l’avion Présidentiel .. est certainement un acte décisif qui, à partir de ce moment là rendait certainement fatale la suite des événements… […] et je crois que ceux qui ont pris l’initiative ont effectivement placé les enchères à un niveau très élevé”XXXVI.
Beaucoup d’autres observateurs estiment que sans l’attentat contre le Président Habyarimana, il aurait été difficile de trouver un prétexte pour exécuter des massacres d’une telle ampleur ou pour reprendre la guerre. La logique d’Arusha aurait fini par prévaloir ne fût-ce que dans un premier temps. La plupart des Rwandais proches de l’opposition ou de la mouvance Présidentielle sont de cet avis. Seuls les partisans du FPR qui avancent la thèse d’une planification du génocide par les Hutu sont d’un avis contraire. Ils reconnaissent cependant, eux aussi, que l’assassinat a été le point de départ des massacres.
Aussi, est-il parfaitement logique d’affirmer que tout le monde est unanime pour soutenir que l’assassinat du Président Habyarimana a déclenché les massacres. Il est donc impératif de faire des investigations pour déterminer les auteurs de cet attentat qui ont sûrement quelque chose à voir avec ces massacres.
8.2. Le souci de justice et d’équité
La nécessité de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana découle du souci de justice aussi bien envers les victimes des massacres qu’envers les personnes qui sont accusées d’avoir commandité cet attentat en vue de commettre les massacres contre les Tutsi. Ces accusations s’adressent généralement à tous les membres de l’ethnie hutu qui sont globalement considérés comme génocidaires et, spécialement à ceux parmi eux qui sont qualifies “extrémistes”. Ces derniers, qui sont arbitrairement désignés par ce vocable, font l’objet de chasse aux sorcières par le régime tutsi de Kigali et par ses alliés occidentaux.
Les prisons rwandaises ont été rapidement débordées dès la prise du pouvoir par le FPR. D’autres ont eté créées dans des batiments publics tels que des écoles, des bâtiments communaux et de secteurs ou des centres destinés à des actions de développement, ainsi que dans des tentes fournies par les organismes d’assistance humanitaire comme le Comité International de la Croix Rouge (CICR). Le gouvernement du FPR a été reconnu comme juge alors que ses dirigeants portent une responsabilité avérée dans les massacres de personnes d’ethnie hutu avant et après l’assassinat du Président Habyarimana. L’enquête sur cet assassinat pourrait donner plus d’information à ce sujet.
Par ailleurs, tout semble indiquer que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a été créé pour juger uniquement les Hutu alors que manifestement certains Tutsi, spécialement ceux du FPR, sont également accusés d’être responsables de plusieurs crimes contre le droit international humanitaire. Cependant, aucun des membres du FPR dont les crimes sont pourtant connus, ne fait l’objet d’investigations de la part du TPIR, sans mentionner que seuls les Hutu ont fait l’objet d’arrestation et de condamnations par ce Tribunal de l’ONU.
Il est paradoxal de noter que le Tribunal n’a toujours pas trouvé indispensable pour la justice, contrairement à l’opinion unanime, de faire faire une enquête exhaustive sur l’assassinat du Président Habyarimana afin d’identifier avec certitude les auteurs de ce crime que le Procureur du TPIR se contente d’attribuer aux anciennes forces armées rwandaises et à ceux qu’il appelle les “extrémistes hutu” alors qu’aucune enquête n’a établi cela. Il s’est limité à la thèse véhiculée par le FPR et ses alliés qui semblent avoir une influence déterminante sur son action.
Enfin, l’enquête permettrait de lever l’équivoque sur les soupçons qui pèsent sur les casques bleus des Nations-Unies accusés de complicité avec les auteurs de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana.
Cette enquête est impératif pour que la vérité soit établie et que les véritables auteurs de l’assassinat soient traduits devant la justice internationale et que les innocents qui seraient détenus pour ce crime et d’autres qui sont rattachés à lui, soient relâchés.
Conclusion
Compte tenu de ce qui précède, on peut conclure que l’enquête sur l’attentat qui a coûté la vie à deux Chefs d’Etats et à une dizaine de leurs collaborateurs, s’avère d’autant plus nécessaire que l’opinion est unanime pour affirmer que l’assassinat du Président Habyarimana a était le point de départ des massacres inter-ethniques qui ont endeuillé le Rwanda, en 1994.
Cette enquête est vivement souhaitée par le peuple rwandais dans son ensemble, et particulièrement par les parents des victimes. En effet, personne ne peut accepter que les meurtriers restent impunis ou que des innocents soient punis pour le crime qu’ils n’ont pas commis. Les parents des victimes exigent par ailleurs réparation du préjudice causé à eux-mêmes et à leurs pays
Des personnes accusées à tort de cet attentat et actuellement détenus au Centre de détention des Nations-Unies réclament elles aussi cette enquête afin que les véritables assassins soient identifiés et que la vérité éclate sur la planification de cet assassinat et des massacres qui l’ont suivi.
L’enquête est également d’une importance cruciale pour la justice en ce sens que les conclusions qui en sortiront pourraient donner une idée exacte sur l’origine des massacres qui ont éclaté à la suite de l’assassinat de Habyarimana.
L’analyse ci-dessus permet de conclure que seule une Commission neutre et indépendante mise en place par les Nations-Unies, peut mener cette enquête sans pencher en faveur de telle ou telle partie mise en cause. Aussi, est-il indispensable que l’assassinat du Président Habyarimana soit au centre de l’enquête que la Commission mise en place par le Secrétaire Général des Nations-Unies est chargée de mener en rapport avec le rôle joué par les Nations-Unies au Rwanda, lors des événements de 1994.
Annexe I: Sources de référence
Africa International nº 272 Mai 1994, p.7.
East African Alternatives March/April 1999 p.38-42.
Declaration de Faustin Twagiramungu devant la Mission d’Information Parlementaire Française.
Lettre ouverte au Sénateur Destexhe Novembre 1996 par M. De Brouwer, Conseiller politique chargé du secteur Afrique à l’IDC (de mars 1990 Ajuin 1995) p.4.
Rapport de la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda annexe 1 p.79.
Rapport de la Mission d’Information Parlementaire Française, T 1 p.234.
Témoignage d’André Guichaoua dans l’affaire No ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, procès-verbal de l’audience du 15 novembre 1997, pp.156-IS7.
Alexandre Goffin dans “Rwanda 7 Avril 1994: 10 Commandos vont mourir” p.23.
Jean-Bosco Barayagwiza dans “Rwanda. Le mythe du génocide tutsi planifié à l’épreuve de la justice internationale”, Arusha, octobre 1998 (inédit).
Colette Braeckman, “Rwanda, Histoire d’un génocide”, Fayard, Paris 1994, pp.188, 189.
Doc. E/CN. 4/1994/7 du 28 juin 1994.
Doc. E/CN. 4/1995/12 du 12 août 1994.
Doc.E/CN.4/1995/70 du 11 novembre 1994.
Doc. S/1994/1405 du 9 décembre 1994.
IMVAHO Nshya No l278du 5-11 avril 1999.
Lettre du Professeur Reyntjens du 10 décembre 1998 à M. Bernard Cazeneuve, rapporteur de la Mission d’ Information Parlementaire Française, annexée au rapport.
Ntaribi Kamanzi, “Rwanda. Du Génocide à la Defaite”, p.69.
Philip Reyntjens, “Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire”, p.45.
Proceedings in Jean-Paul Akayesu trial at ICTR, 25 february 1998, p.52.
Rapport de la Commission d’enquête du Sénat belge, Annexe 1, p.197.
“Rwanda. L’Armée Patriotique Rwandaise responsable d’homicides et d’enlèvements (avril-aout1994)”. Rapport d’Amnesty International, Londres, 20 octobre 1994, INDEX AI: AFR 47/16/94, p.4.
Témoignage d’Alison Desforges dans l’affaire No ICTR-96-4-T, le Procureur contre Jean- Paul Akayesu, audience du 22 mai 1997, pp. 44-45.
Témoignage dans l’affaire No ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, transcrit du OS novembre 1998, p.65.
Témoignage de Filip Reyntjens dans l’affaire No ICTR-96-3-I, le Procureur contre Georges Rutaganda, procès verbal de l’audience du 13 octobre 1997, p.17.
Témoignage du Père Guy Theunis devant la Commission parlementaire belge (COM-R 1-68).
Voir lettre du Pilote de l’avion Falcon SO annexée au rapport de la Mission d’Information Parlementaire Français.
Voir Procès-verbal du témoignage du Général Dallaire fait le 25 février 1998 au TPIR, dans l’affaire, le Procureur contre Jean-Paul Akayesu , No ICTR- 96-4-T, p.124.
Annexe II: Liste des abréviations utilisées
ANT Assemblée Nationale de Transition
APR Armée Patriotique Rwandaise (Armée du FPR)
AR Armée Rwandaise (Armée gouvernementale)
CDR Coalition pour la Défense de la République
CICR Comite International de la Croix Rouge
CND Conseil National pour le Développement (Assemblée Nationale)
EM Etat-major
EM AR Etat-Major de L’Armée Rwandaise
EM GdN Etat-Major de la Gendarmerie Nationale
ESM Ecole Supérieure Militaire (Académie Nlilitaire)
FAR Forces Armées Rwandaises (Ensemble Armée Rwandaise-Gendarmerie Nationale)
FDC Forces Démocratiques du Changement
FPR Front Patriotique Rwandais
KIBAT Kigali Battalion (bataillon belge de la MINUAR)
MDR Mouvement Démocratique Républicain
MINADEF Ministère de la Défense
MINUAR Mission des Nations-Unies pour l’Assistance au Rwanda
MRND Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement
QACI Organisation de l’Aviation Civile Internationale
ONU Organisation des Nations-Unies
OUA Organisation de l’Unité Africaine
PDC Parti Démocrate Chrétien
PL Parti Libéral
PNUD Programme des Nation-Unies pour le Développement
PSD Parti Social Démocrate
QG Quartier Général
RTLM Radio Télévision Libre des Milles collines
TPIR Tribunal Pénal International pour le Rwanda
USA United States of America
Notes
- Rapport de la commission Parlementaire Belge sur le Rwanda annexe 1 p.79.
- Lettre Ouverte au Sénateur Destexhe Novembre 1996 par Alain De Brouwer, Conseiller politique charge du secteur Afrique à l’IDC(de mars 1990 à Juin 1995) p.4.
- Ntaribi Kamanzi. “Rwanda. Du Génocide à la Défaite” p.69.
- Rapport de la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda (COM-1-9).
- Voir lettre du Pilote de l’avion Falcon 50 annexe au rapport de la Mission d’Information Parlementaire Français.
- Ntaribi Kamanzi, “Rwanda. Du Génocide a la Défaite”, p.77-78.
- Alexandre Goffin, “Rwanda 7 Avril 1994: 10 Commandos vont mourir” p.23.
- Rapport de la Commission Parlementaire Belge sur le Rwanda ( COM-R 1-15 & 1-72).
- Africa International no 272 Mai 1994, p.7.
- East African Alternatives March/April 1999 p.38-42.
- Mission d’Information Parlementaire Française Annexe p.265.
- Philip Reyntjens. “Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire”. p.45.
- Lettre du Professeur Reytgens du 10 Décembre 1998 a M. Bernard Cazeneuve, rapporteur de la Mission d’Information Parlementaire Française, annexée au rapport.
- Filip Reyntjens, op. cit., p.42.
- Colette Braeckman, “Rwanda. Histoire d’un génocide” p.196.
- Déclaration de Faustin Twagiramungu devant la Mission d’Information Parlementaire Française.
- Témoignage d’Alison Desforges dans l’affaire No ICTR-96-4-T, le Procureur contre Jean-Paul Akayesu, audience du 22 mai 1997, pp.44-45.
- Témoignage dans l’affaire Nº ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, transcrit du 05 Novembre 1998, p.65.
- Témoignage dans l’affaire No ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, transcrit du 05 Novembre 1998, p.70.
- Colette Braeckman, Rwanda “Histoire d’un génocide”. Fayard, Paris 1994, pp.188, 189.
- Témoignage dans l’affaire No ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, transcrit du 05 Novembre 1998, p.60.
- Cité par Jean-Bosco Barayagwiza dans “Rwanda. Le mythe du génocide tutsi planifié à l’épreuve de la justice internationale”, Arusha, Octobre 1998 (inédit).
- Témoignage d’Alison Desforges devant le TPIR, affaire No ICTR-96-4-T, le Procureur contre Paul Akayesu, transcrit de l’audience du 22 mai 1997, p44.
- Rapport de la Commission d’enquête du Sénat belge, Annexe 1, p. 197.
- Proceedings in Jean-Paul Akayesu trial at ICTR, 25 February 1998, p.52.
- Ntaribi Kamanzi, “Rwanda. Du génocide à la défaite”, Edition Rebero, Kigali 1997, pp.77-78.
- “Rwanda. L’Armee Patriotique Rwandaise responsable d’homicides et d’enlèvements (avril-août 1994)”. Rapport d’Amnesty International, Londres, 20 Octobre 1994, INDEX AI: AFR 47/16/94, p.4.
- La position du FPR et des autorités de Kigali a été réaffirmé récemment par Tito Rutaremara, Député et idéologue extrémiste du FPR, lors du dernier anniversaire du génocide tutsi célebré au Rwanda. Son interview paraît dans le Journal gouvernemental Imvaho Nshya No 1278 du 5-11 avril 1999.
- Voir Proces-verbal du témoignage du Général Dallaire fait le 25 février 1998 au TPIR dans l’affaire le Procureur contre Jean-Paul Akayesu, No ICTR-96-4-T, p.124. Rapport de la Commission parlementaire belge sur le Rwanda (COM-R 1-63).
- Témoignage du Père Guy Theunis devant la Commission parlementaire belge (COM-R 1-68).
- Rapport de la Mission d’ Information Parlementaire Française, T I p. 234.
- Doc. E/CN. 4/1994/7 du 28 juin 1994; Doc. E/CN. 4/1995/12 du 12 août 1994; Doc. E/CN. 4/1995/70 du 11 novembre 1994.
- Doc. S/1994/1405 du 9 décembre 1994.
- Témoignage de Filip Reyntjens dans l’affaire No ICTR-96-3-I, le Procureur contre Georges Rutaganda, procès-verbal de l’audience du 13 Octobre 19997, p.17.
- Témoignage d’André Guichaoua dans l’affaire No ICTR-95-I-T, le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, procès-verbal de l’audience du 15 novembre 1997, pp. 156-157.